Géroudet

C’est donc le chant qui révèle la présence de la Locustelle tachetée. Qu’il soit monotone, on ne peut le nier, mais ce caractère même et le secret dans lequel vit son auteur exercent un certain envoûtement. On le compare très justement au « grillottement » de la sauterelle verte Tettigonia viridissima, ou encore au bruit que produit la ligne du pêcheur au lancer : sirrrrrrrr... C’est un trille extrêmement rapide, aigu et soutenu sur le même ton pendant de longs moments. Les strophes paraissent d’une durée étonnante, les pauses rares et brèves, et l’on se demande quand le chanteur reprend son souffle. Le mâle cherche un poste dominant de peu sa jungle en miniature, une branche sèche ou un buisson feuillu. Là, pendant des heures, il se tient assez droit, la queue presque verticale, vibrant tout entier de l’effort qu'il fournit ; ses mandibules largement écartées encadrent le gosier jaune d’où émane le flot sonore ; la tête se tourne de côté et d’autre. Il faut attribuer à ces mouvements les variations d’intensité que l’on perçoit à distance, le timbre tantôt liquide, tantôt métallique du chant. Aux premiers temps de son séjour, dès la mi-avril, la Locustelle se fait entendre à toute heure. Plus tard, surtout quand il y a un nid, elle ne manifeste sa présence que le matin, le soir et une partie de la nuit ; le chant se raréfie en juillet et cesse aux premiers jours d’août. Sa portée peut atteindre un demi-kilomètre en des circonstances favorables, particulièrement la nuit. Notons encore, sans avoir pu le vérifier, que la femelle serait susceptible de chanter aussi à l’occasion, et qu’on a signalé des chants au vol. Quant aux cris, peu fréquents, une succession rapide de tèctèctèctèc ou tchèctchèctchèc... secs et durs marque la crainte, l’alarme, comme un houit plus liquide et des tuctuctuc... cliquetants, des pitt de surprise ; j’ai entendu un tsrrrt d’un oiseau en migration.
On a enregistré des durées maximales de 86 et 110 minutes de chant sans arrêt prolongé. Le mâle non apparié peut chanter environ 3 semaines au même endroit, par temps défavorable aussi. On pense que les femelles peuvent émettre un chant imparfait, car les mâles présents ne les chassent pas avec beaucoup d’agressivité. On peut confondre le chant avec celui du Grillon des bois (Nemobius sylvestris),en particulier dans les anciennes coupes où la Locustelle s’installe pour quelques années au moins (M.C.).
D’après les oscillogrammes de Weismann l’alternance des deux sons formant le trille se produit 26 fois par seconde ; des interruptions d’un dixième de seconde - imperceptibles à l’oreille - semblent suffire à la respiration, pendant des productions durant jusqu’à une demi-heure et plus. Warnke a noté des strophes ininterrompues de 163 secondes au maximum, la plupart ne dépassant pas 30 secondes ; au point culminant de l’activité du chanteur, il a compté 59 minutes de chant sur une heure ! Ajoutons que la haute fréquence du son ne le rend pas audible à toutes les oreilles et que le chant de la Locustelle pourrait servir de test d’acuité auditive.
NIVEAU D’ÉCOUTE. Chant puissant mais ressemblant à celui d’un insecte et pouvant donc facilement passer inaperçu. CHANT TYPIQUE. Le chant est très caractéristique pour un oiseau : c’est une stridulation rapide composée de motifs incisifs, évoquant un insecte et souvent confondue avec la stridulation des grillons. Il n’est pas rare d’entendre des variantes déstructurées, en particulier lorsque les jeunes oiseaux apprennent à chanter.
  • Enregistreur : Fernand Deroussen
  • Date : 1993-05-27
  • Heure : 11:30
  • Pays : France
  • Altitude : 240
  • Enregistreur : Stanislas Wroza